J.O. 75 du 28 mars 2004
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Texte paru au JORF/LD page 06036
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Avis de la Commission des participations et des transferts n° 2004-A-2 du 2 mars 2004 relatif à une offre publique d'échange des titres de KLM initiée par Air France dans le cadre d'un accord avec KLM
NOR : ECOT0451227V
La commission émet l'avis suivant :
I. - Par lettres en date du 12 septembre 2003 et du 26 février 2004, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission, en application de l'article 3 de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée, du projet de rapprochement d'Air France avec la compagnie aérienne KLM par le moyen d'une offre publique d'échange des titres de la société néerlandaise contre des titres Air France.
L'Etat détient à l'heure actuelle 54 % du capital d'Air France. L'opération présentée à la commission, impliquant l'émission d'actions nouvelles et de bons de souscription d'actions, est de nature à entraîner une dilution de cette participation à un niveau de 43,7 % en cas d'émission du nombre maximal d'actions nouvelles et de 39,2 % si le nombre maximal de bons est exercé.
L'opération envisagée devrait donc entraîner le transfert au secteur privé de la majorité du capital d'Air France. Ce transfert a été autorisé par le décret du 3 octobre 2003 susvisé.
S'agissant d'une opération d'échange de titres sur le marché financier, telle que prévue par le premier alinéa de l'article 4 de la loi du 6 août 1986 susvisée, la commission doit se prononcer, conformément à l'article 3 de ladite loi, sur la parité d'échange entre les actions Air France et les actions KLM, en tenant compte de l'ensemble des dispositions des accords.
L'opération envisagée devait recevoir les accords des autorités de la concurrence européenne et américaine qui ont été obtenus le 11 février 2004. L'autorisation de la Commission européenne est soumise à des conditions qui ont été acceptées par les entreprises.
II. - La mondialisation de leur activité et l'accentuation de la concurrence ont depuis plusieurs années conduit les compagnies aériennes à rechercher des rapprochements entre elles en vue de profiter, dans un contexte de pression très forte sur les prix, des synergies en termes d'augmentation des fréquences et des destinations ainsi que d'économies d'échelle dans les domaines des ventes, des achats et de la maintenance. De l'amélioration de la compétitivité et de la masse critique sur les marchés clefs sont attendus de meilleurs coefficients de remplissage et des revenus plus élevés.
Les crises sévères auxquelles le secteur est régulièrement confronté renforcent l'intérêt des rapprochements. Au cours des dernières années, la conjonction de la crise économique mondiale, de menaces terroristes et, peu après, de l'épidémie de SRAS en Asie a conduit au bord de la faillite de grandes compagnies européennes et surtout américaines.
Historiquement, les compagnies aériennes ont le plus souvent été bâties dans un cadre national et les accords sur les droits de trafic aérien ont été conclus sur une base bilatérale entre Etats. L'ouverture du Marché unique européen n'a pas significativement modifié cette situation qui évolue cependant depuis quelques mois rapidement avec l'octroi de mandats à la Commission européenne pour négocier des accords globaux avec les pays tiers. La Cour de justice a en effet jugé en novembre 2002 incompatibles avec le traité les conditions de nationalité prévues dans certains accords bilatéraux signés par des Etats membres.
Les rapprochements entre compagnies aériennes au niveau mondial ont pris, à la fin des années 90, la forme d'alliances commerciales non capitalistiques. Trois de ces alliances représentent aujourd'hui plus de 50 % du trafic mondial : Star Alliance créé en 1997 (Lufthansa, United Airlines...), Oneworld créé en 1998 (British Airways, American Airlines...) et SkyTeam.
Compte tenu des difficultés rencontrées par la compagnie jusqu'au milieu des années 90, Air France n'a pu adopter une stratégie de rapprochement qu'après le redressement de sa situation. C'est sur la base de son alliance avec Delta Airlines, initiée en 1996 et finalisée fin 1999, qu'a pu être constitué en 2000 SkyTeam qu'ont rejoint depuis Aero Mexico, Korean Airlines, CSA et Alitalia. Troisième des alliances en termes de taille, SkyTeam représente 12 % du trafic mondial.
De plus, Air France demeurait à la recherche d'un partenaire européen majeur.
Pour sa part, KLM, quatrième compagnie aérienne européenne, qui ne dispose pas de marché national propre, avait déjà conclu des accords de partenariat, le plus ancien étant celui passé avec Northwest. Sous le nom de Wings, une alliance avait été constituée qui réunissait aussi Continental et Alitalia. La rupture fin avril 2000 de KLM avec Alitalia a amené KLM à reprendre la recherche d'un partenaire global. Des discussions ont été conduites avec British Airways qui n'ont pas abouti.
A partir du début 2003, Air France et KLM ont décidé d'ouvrir des négociations en vue d'un rapprochement entre les deux entreprises. La complémentarité des réseaux est apparue évidente du fait de la forte présence de KLM sur l'Asie, l'Europe du Nord et l'Afrique de l'Est où Air France et plus généralement SkyTeam sont peu présents. Les alliances américaines sont également devenues compatibles du fait de l'accord commercial conclu en 2002 aux Etats-Unis entre Delta, Northwest et Continental. Les complémentarités entre Air France et KLM dans les activités cargo et maintenance sont également importantes.
Par ailleurs, le groupe Air France KLM bénéficiera de l'accès à deux infrastructures aéroportuaires - et à leurs hubs respectifs - disposant d'un fort potentiel de croissance : Roissy - Charles-de-Gaulle et Schiphol, respectivement troisième et quatrième aéroports d'Europe.
Le maintien des deux marques préservera les identités nationales et autorisera des politiques commerciales différenciées permettant de couvrir les différents segments de clientèle.
En terme de structure, les deux parties ont abouti à la conclusion qu'une intégration et leurs actionnariats, mais non de leurs entreprises, serait la forme la plus appropriée en vue de dégager les synergies les plus importantes tout en maintenant l'identité des compagnies qui reste nécessaire pour la préservation des droits de trafic. Le rapprochement capitalistique est ainsi apparu bien préférable à une simple alliance commerciale.
Le groupe Air France KLM deviendra, avec un chiffre d'affaires de plus de 19 milliards d'euros, la première compagnie aérienne européenne et mondiale. L'intégration de KLM et de ses partenaires américains dans SkyTeam permettrait ultérieurement à l'alliance de se placer, avec 20 % du trafic, au deuxième rang mondial après Star Alliance.
III. - L'opération de rapprochement entre Air France et KLM a été annoncée par les parties le 30 septembre 2003 ainsi que les modalités de l'offre publique. L'accord a été signé le 16 octobre 2003. La commission avait préalablement procédé à un premier examen du projet au cours de sa séance du 16 septembre 2003.
L'ensemble des documents constituant les accords définitifs ont été transmis à la commission. Ils consistent principalement en un accord-cadre entre les parties (Framework Agreement) et ses annexes, et de dispositions définissant les engagements et accords entre les parties, l'Etat français et l'Etat néerlandais.
S'agissant de la structure du capital, l'accord distingue deux phases de rapprochement.
A. - Première phase, d'une durée de trois ans :
Dans la première phase, Air France détiendra la majorité des intérêts économiques dans KLM mais pas celle des droits de vote, en vue de préserver, au regard des droits de trafic, la nationalité néerlandaise de KLM.
Cet objectif est atteint au terme de plusieurs opérations :
Le lancement par Air France, prévu dans la deuxième quinzaine de mars, d'une offre publique d'échange sur la totalité des actions ordinaires de KLM (cotées à Amsterdam et à New York) soit 73,5 % du capital, selon les conditions suivantes :
11 actions d'Air France et 10 bons de souscription d'actions d'Air France (BSA) contre 10 actions ordinaires de KLM ; Air France s'engage irrévocablement à accepter l'offre, si 70 % des actions ordinaires sont apportées ;
3 BSA donnent le droit de souscrire ou d'acheter 2 actions d'Air France à un prix d'exercice de 20 EUR ; les BSA, d'une maturité de trois ans et demi, sont exerçables dix-huit mois après la clôture de l'offre ;
L'achat progressif (parallèle au désengagement de l'Etat français du capital d'Air France) des actions préférentielles cumulatives A de KLM, soit 14,7 % du capital (hors autocontrôle), détenues par l'Etat néerlandais, pour un prix global de 20 millions d'euros ;
L'achat par Air France de l'ensemble des actions préférentielles cumulatives C, soit 11,7 % du capital (hors autocontrôle), actuellement détenues par la fondation néerlandaise Stichling Luchtvaartbelangen et par Rabobank, pour un prix global d'environ 15 millions d'euros ;
L'achat par Air France des 1 313 actions prioritaires KLM détenues par l'Etat néerlandais et des investisseurs institutionnels au prix de 12,10 EUR par action.
Ces deux dernières opérations ont déjà été conclues sous condition suspensive de succès de l'offre publique.
Pour sa part, le Gouvernement français a rendu public son intention de réduire la part de l'Etat dans Air France aux alentours de 20 % lorsque les conditions de marché s'y prêteront.
Afin de limiter à 49 % les droits de vote d'Air France dans KLM au cours de la première phase, deux fondations de droit néerlandais détiendront des droits de vote de KLM (par démembrement des actions), avec l'obligation de les exercer dans l'intérêt de KLM, d'Air France KLM et de ses actionnaires :
- l'une « SAK II » détiendra les droits de vote attachés aux actions préférentielles cumulatives C rachetées par Air France (11,7 % du capital) ;
- l'autre « SAK I » détiendra la quantité de droits de vote complémentaire nécessaire pour limiter Air France à 49 %, soit au maximum 24,6 % (en cas de succès à 100 % de l'offre publique et compte tenu des 14,7 % de l'Etat néerlandais).
Air France deviendra une société de holding dénommée « Air France KLM » après avoir filialisé son activité opérationnelle.
Enfin, l'Etat néerlandais continuera à détenir une option lui permettant d'acquérir 50,1 % du capital de KLM, par émission d'actions préférentielles cumulatives B, en cas de mise en danger des droits de trafic de KLM sur des marchés clefs. Cette option a désormais une durée de trois ans, renouvelable trois fois pour un an. L'Etat néerlandais devra exercer ces droits de vote dans l'intérêt de KLM, d'Air France KLM et de ses actionnaires. Dès la menace sur les droits de trafic disparue, les titres seront rachetés et annulés par KLM.
Le schéma de l'annexe II du présent avis résume la stucture prévue pour la première phase.
B. - Deuxième phase, après trois ans :
Au terme des trois ans, les deux fondations SAK I et SAK II disparaîtront et Air France KLM détiendra la totalité du capital et des droits de vote de KLM (sous réserve du rachat d'éventuels actionnaires ordinaires subsistants et des actions préférentielles cumulatives A qui seraient encore détenues par l'Etat néerlandais).
IV. - La structure complexe du capital du nouveau groupe durant la première phase de trois ans et la nécessité de préserver l'identité de KLM ont conduit les parties à mettre en place durant cette période des modalités spécifiques de gouvernance en vue d'assurer le bon fonctionnement de l'ensemble et la réalisation des objectifs économiques et stratégiques des accords.
Dès que la filialisation des activités opérationnelles d'Air France aura été effectuée, le conseil d'administration d'Air France KLM comprendra seize administrateurs parmi lesquels siégeront le président du directoire de KLM et deux administrateurs proposés par le conseil de surveillance de KLM, ainsi qu'une personnalité qualifiée proposée par l'Etat néerlandais. Le président du conseil sera le président d'Air France et le vice-président sera le président de KLM.
Pendant les trois premières années, le conseil de surveillance de KLM sera composé de neuf membres, dont quatre nommés par Air France KLM, les décisions budgétaires et stratégiques nécessitant durant cette phase la majorité des deux tiers. Dans la deuxième phase, Air France KLM nommera cinq des neuf membres. Un membre du directoire de KLM sera désigné par Air France et un dirigeant de KLM siégera au comité exécutif d'Air France.
Un comité stratégique (Strategic Management Committee) sera mis en place. Il aura pour mission d'émettre des recommandations touchant à l'ensemble des domaines stratégiques : commercial, financier et opérationnel. Il a été disposé contractuellement que les recommandations s'imposeront. Ce comité sera composé à parité de quatre représentants d'Air France et de quatre représentants de KLM et sera présidé par le président d'Air France, qui aura voix prépondérante. Certaines décisions nécessiteront toutefois l'unanimité, en particulier celles qui modifieraient les garanties données à KLM.
Air France donne à KLM (pour une durée de cinq ans) et à l'Etat néerlandais (pour une durée de huit ans) des garanties afin de protéger les intérêts spécifiques de KLM principalement dans les domaines suivants : protection des droits de trafic, développement harmonieux du hub de Schiphol en trafic passager et cargo, préservation de la marque et de l'indentité de la compagnie. Une fondation constituée à cette fin veillera au respect de ces garanties.
V. - KLM est la quatrième compagnie européenne avec 10,6 % de part de marché et est le transporteur aérien national aux Pays-Bas. Le groupe emploie 33 000 personnes.
L'absence de marché intérieur a conduit KLM à développer très tôt une forte activité internationale, notamment vers les anciennes possessions néerlandaises des West Indies et d'Indonésie. L'accord conclu dès 1989 avec Northwest a permis à KLM de s'assurer aussi une place significative sur les relations transatlantiques. L'activité de transit représente 70 % du trafic contre 50 % pour Air France.
KLM a bénéficié pour son développement de l'aéroport de Schiphol, aux portes d'Amsterdam, qui, avec plus de 40 millions de passagers, et des possibilités encore importantes d'extension, est le quatrième d'Europe. KLM y a organisé un hub international dès le début des années 90.
Le chiffre d'affaires de KLM se répartit entre 74 % pour le transport de passagers (dont 9 % charter et low cost) et 15 % pour l'activité cargo. Le trafic passager a pour destination l'Europe pour 37 %, les Amériques pour 26 %, la zone Asie Pacifique pour 20 % et le Moyen-Orient et l'Afrique pour 13 %. L'activité cargo est principalement (42 %) à destination de la zone Asie Pacifique.
En l'absence de marché national, KLM a été particulièrement affecté par la crise brutale de l'aviation civile depuis 2001, ses principales destinations étant parmi les plus touchées par les événements. Il en a résulté sur les deux derniers exercices une baisse des recettes, un résultat d'exploitation déficitaire (94 millions d'euros en 2001-2002 et 133 millions en 2002-2003) et une perte nette de 156 millions d'euros en 2001-2002 et de 416 millions en 2002-2003.
KLM a décidé en conséquence de mettre en oeuvre un plan de redressement qui a été annoncé le 8 mai 2003. Ce plan est orienté vers une réduction des coûts qui implique une diminution des effectifs, une modification de l'offre commerciale, une rationalisation de la flotte et du réseau ainsi qu'une réduction des capitaux employés.
Malgré la poursuite de la dégradation du chiffre d'affaires (moins 7 %) dans un environnement défavorable, les premiers effets du plan de redressement sont apparus dans les résultats du troisième trimestre de l'exercice 2003-2004 qui dégagent un bénéfice d'exploitation de 29 millions d'euros contre une perte de 66 millions pour la même période de l'exercice précédent, grâce à une forte compression des coûts (moins 12 %). Le groupe prévoit un résultat d'exploitation positif pour l'ensemble de l'exercice et un résultat net qui se rapproche de l'équilibre. Le plan de redressement paraît ainsi bien engagé.
Au 31 décembre 2003, le bilan consolidé fait apparaître des fonds propres de 1,5 milliard d'euros et un endettement net de 3 milliards.
VI. - Air France est la compagnie nationale française créée en 1933 et nationalisée en 1945. La société a développé un vaste réseau international couvrant l'ensemble des principales destinations. Air France a racheté en 1990 UTA puis a fusionné avec Air Inter en 1997. Avec un chiffre d'affaires de 12,7 milliards d'euros sur le dernier exercice, la compagnie est le deuxième transporteur aérien en Europe après Lufthansa. Le groupe emploie 72 000 personnes.
L'activité se répartit entre le trafic passager (82 % du chiffre d'affaires) et le cargo (12 %). Les destinations du trafic passager sont diversifiées, Europe, y compris France, et Afrique du Nord assurant 47 % du total.
Air France a connu dans la première partie des années 90 de graves difficultés qui ont entraîné des pertes importantes. Les réformes mises en oeuvre à partir de 1996 ont permis un redressement qui s'est traduit par une augmentation du trafic et des parts de marché, ainsi que par le retour à une situation bénéficiaire.
Les années récentes ont confirmé cette évolution favorable. Le groupe poursuit des efforts importants de réduction des coûts, à travers des programmes successifs, afin de faire face à un environnement difficile. Les principaux événements ayant concerné l'entreprise ont été l'introduction en bourse d'environ 20 % du capital en février 1999 et la constitution en juin 2000, avec son partenaire américain Delta Airlines, de l'alliance SkyTeam.
Air France bénéficie de son implantation privilégiée à Roissy - Charles-de-Gaulle, troisième aéroport d'Europe, disposant encore de capacités d'extension, où il a établi son hub international.
Les résultats des derniers exercices ont montré la capacité d'Air France à résister face à la crise du secteur par rapport aux autres grandes compagnies. Le chiffre d'affaires a continué à progresser légèrement sur les deux derniers exercices et tant le résultat d'exploitation (235 millions d'euros en 2001-2002 et 192 millions en 2002-2003) que le résultat net (153 millions d'euros en 2001-2002 et 120 millions en 2002-2003) sont demeurés positifs.
Dans un exercice 2003-2004 globalement difficile, les résultats du troisième trimestre, qui viennent d'être annoncés, indiquent une stabilisation du chiffre d'affaires et une amélioration du résultat d'exploitation et du résultat net. Le groupe vise pour l'ensemble de l'exercice un résultat d'exploitation positif et un bénéfice net.
Le bilan consolidé au 31 décembre 2003 fait apparaître des fonds propres de 4 milliards d'euros et une dette de 2,7 milliards.
VII. - L'article 3 de la loi du 6 août 1986 modifiée susvisée prévoit qu'en cas de remise d'actifs contre des titres l'évaluation à laquelle doit procéder la commission porte sur la parité ou le rapport d'échange.
S'agissant d'une opération qui comprend plusieurs transactions indissociables, la commission a été conduite à apprécier non seulement le rapport d'échange de l'offre publique mais aussi l'impact global de la transaction sur les intérêts patrimoniaux de l'Etat.
Conformément à la loi, la commission a procédé à son évaluation en recourant à une analyse multicritère qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.
A cette fin, elle a disposé des rapports des banques conseils de l'Etat et de l'entreprise.
Les banques ont tout d'abord procédé à une comparaison de l'évolution des cours respectifs des actions d'Air France et de KLM avant l'annonce du rapprochement. Compte tenu de la nécessité de proposer une prime aux actionnaires minoritaires de KLM, elles ont comparé son niveau avec celui d'autres opérations sur le marché néerlandais.
Les banques ont ensuite procédé à une analyse intrinsèque de la valeur des deux sociétés. Ces évaluations se fondent principalement sur les méthodes de comparaisons boursières, d'actualisation des flux de trésorerie et d'actif net réévalué. Les banques ont constaté qu'il n'existe pas de transactions récentes comparables. Les cours de bourse et les objectifs des analystes financiers, avant et après l'annonce du rapprochement, ont été également étudiés.
Pour l'évaluation d'Air France :
- comparaisons boursières : les multiples résultant des cours de bourse de Lufthansa et d'Iberia ont été appliqués aux agrégats d'Air France. Les autres compagnies européennes, étant en processus de redressement, n'ont pas été jugées réellement comparables. Les multiples d'EBITDAR (excédent d'exploitation avant provisions, amortissements et loyers) ont été principalement utilisés ainsi que ceux de chiffre d'affaires ;
- actualisation des flux de trésorerie disponibles : le plan d'affaires 2007 de l'entreprise a été extrapolé jusqu'en 2011 ou 2013, en tenant compte des caractéristiques cycliques très marquées du secteur. La valeur terminale a été calculée avec l'hypothèse d'un taux de croissance à l'infini ;
- actif net réévalué : une des banques conseils a également apprécié la valeur d'Air France sur la base d'une réévaluation de ses actifs, c'est-à-dire principalement des immeubles, de la flotte et des titres (Amadeus en particulier).
Pour l'évaluation de KLM :
- comparaisons boursières : les comparables utilisés ont privilégié des entreprises soit en voie de redressement (British Airways, SAS, Alitalia), soit dont les marchés géographiques sont proches (Lufthansa, SAS, Finnair) ;
- actualisation des flux de trésorerie disponible : le plan 2006 de KLM a été extrapolé jusqu'en 2011 ou 2013 et les mêmes méthodologies ont été utilisées que pour Air France ;
- actif net réévalué : une des banques conseils a également apprécié la valeur de KLM sur la base d'une réévaluation de ses actifs, c'est-à-dire principalement des immeubles, de la flotte, des titres et des investissements dans les plans de retraite.
Les évaluations des deux sociétés présentées par les banques divergent dans certains cas en raison de la difficulté particulière de l'exercice et de choix méthodologiques différents. Cependant, au total, les rapports entre les évaluations s'avèrent suffisamment convergents pour l'appréciation de la parité.
La valeur du bon de souscription d'action Air France qui serait remis aux actionnaires de KLM répondant à l'offre a été estimée par les banques selon les méthodes usuelles. Sa sensibilité aux variations de cours d'Air France a été étudiée.
L'évaluation des synergies à attendre de l'opération est un élément important de son appréciation. Ces synergies ont été identifiées et quantifiées conjointement par Air France et KLM puis vérifiées par un cabinet indépendant dont les conclusions ont été communiquées à la commission. Les synergies, qui sont majoritairement des réductions de coût, concernent les principaux domaines suivants : l'optimisation des circuits de vente et de distribution et des prestations annexes d'assistance, le partage de codes et l'harmonisation des horaires, les gains sur la maintenance et la convergence des systèmes informatiques.
Les banques ont valorisé l'effet de ces synergies selon les méthodes usuelles, en fonction d'un scénario sur longue période et en tenant compte des coûts nécessaires à leur mise en oeuvre. Les deux banques conseils font des appréciations différenciées du montant global.
Afin d'obtenir l'autorisation de la Commission européenne à leur rapprochement, Air France et KLM ont dû prendre un certain nombre d'engagements pouvant se traduire en cession de créneaux de décollage et d'atterrissage sur les liaisons où la part de marché du nouveau groupe était de nature à trop réduire la concurrence. L'impact maximal en termes de chiffre d'affaires et de marge a été évalué et pris en compte pour l'appréciation de l'opération.
Sur la base de ces travaux, et en intégrant les autres éléments de l'opération, les banques concluent à un effet favorable pour les actionnaires d'Air France à la fois en termes de patrimoine et de bénéfice net par action, celui-ci enregistrant une relution dès la première année.
VIII. - Le cours de l'action Air France, avec parfois une volatilité élevée, a connu un processus de hausse importante de janvier à septembre 2003 passant d'environ 8-9 EUR à 14-15 EUR et surperformant tant l'indice du secteur que les cours des compagnies aériennes les plus comparables. Pour sa part, l'action KLM, après sa lourde chute en 2002, a progressé d'un minimum de 5,4 EUR à un cours entre 10 et 11 EUR à la veille de l'annonce des accords.
Depuis le 30 septembre 2003, où les modalités du rapprochement ont été rendues publiques, les cours des deux sociétés se sont progressivement rapprochés de la parité prévue pour l'OPE jusqu'à en être à présent devenus très proches, hors la valeur du bon de souscription sans doute jugée difficile à déterminer précisément par le marché. Aujourd'hui au-dessus de 16 EUR, le cours d'Air France affiche sur un an une performance voisine de celle de son principal comparable, Lufthansa.
IX. - L'opération annoncée le 30 septembre 2003 comprend une offre publique d'échange qui ne peut être proposée que sur la base des cours prévalant alors et en offrant une prime aux investisseurs. On peut observer que sur les mois de l'année 2003 qui précédaient, les cours d'Air France et de KLM avaient évolué de façon proche, déterminant une parité relativement stable, ce qui donne une référence assez solide pour l'appréciation des conditions de l'opération. Au 30 septembre 2003, la prime annoncée était de 58 % sur le cours moyen à un mois de KLM et de 40 % sur le cours de la veille. Ces niveaux de prime apparaissent élevés, notamment par rapport aux précédents sur le marché néerlandais. Ils doivent cependant être appréciés, pour les actionnaires d'Air France, par rapport aux valeurs intrinsèques des deux compagnies et en fonction du volume des synergies que le rapprochement permettra d'obtenir.
La commission a estimé devoir retenir des hypothèses prudentes sur les plans d'affaires dans un secteur soumis à des cycles très marqués. La valorisation des synergies étant un point essentiel, elle a également étudié l'équilibre de la transaction en ne retenant que les évaluations les plus assurées. Cette analyse fait apparaître un montant de prime acceptable par rapport aux valeurs intrinsèques et au montant des synergies.
Deux éléments ont paru importants à la commission pour les perspectives d'avenir du groupe Air France KLM.
Il s'agit en premier lieu du niveau d'endettement du nouveau groupe qui résultera de la consolidation par Air France des dettes élevées contractées par KLM. Un calendrier de la résorption de ces dettes, établi par les banques conseils, montre une réduction rapide du coefficient d'endettement grâce à la génération de cash-flow. L'hypothèse d'une crise majeure du secteur a été également prise en compte afin de vérifier que le groupe disposerait dans ce cas d'actifs libres pouvant être cédés ou pouvant servir de support à des financements.
En deuxième lieu, la mise en oeuvre correcte du rapprochement constitue un élément décisif de son succès, compte tenu notamment de la relative complexité des structures mises en place durant la première phase de trois ans. La commission s'est donc fait communiquer les dispositions que compte prendre le nouveau groupe, au niveau de la société faîtière et de la société Air France, en termes de reporting opérationnel, financier et comptable ainsi que de contrôle interne.
Le rapprochement avec KLM est une évolution stratégique capitale pour Air France ainsi que pour l'alliance SkyTeam. En créant le premier groupe de transport aérien en Europe, elle place de façon favorable Air France dans le mouvement de consolidation du secteur et lui ouvre la possibilité d'exploiter de nouveaux potentiels de croissance.
Pour ces motifs, et au vu de l'ensemble des éléments qui lui ont été transmis, la commission estime que l'opération qui lui a été présentée, et en particulier les conditions de l'offre publique d'échange par Air France des actions KLM, telles que décrites au présent avis, ne sont pas défavorables aux intérêts patrimoniaux de l'Etat.
La commission émet en conséquence un avis favorable au projet d'arrêté dont le texte figure en annexe I du présent avis (1).
(1) Cet arrêté est publié sous la rubrique « Textes généraux » du présent Journal officiel.